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La La Land – Pourquoi Sebastian ne finit pas avec Mia

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Message par Daezur Lun 5 Fév 2018 - 14:55

( /° spoiler alert °\)
(*les paroles rapportées de l'anglais au français ne sont pas des traductions professionnelles)



La La Land – Pourquoi Sebastian ne finit pas avec Mia


Pour être franc, mon premier visionnage de La La Land ne m'a pas réussi. J'en suis ressorti très amer, principalement à cause de la fin. Là, vous vous dites que c'est le côté cœur d'artichaut qui réagit au fait que Sebastian et Mia soient séparés (comme une partie du public, déçu que la fin leur gâche le plaisir d'une belle histoire), mais il s'agit là d'une conséquence plutôt que de la cause. Le problème est plus large.

Pour comprendre de quoi il est question, nous allons nous concentrer sur les raisons expliquant que Sebastian et Mia ne terminent pas ensemble. L'accent sera mis sur le personnage masculin car, si la relation de couple entre les deux personnages a échoué, c'est d'abord et avant tout de la faute de Sebastian.


Amour et ambition
La La Land explore les rapports des personnages entre l'amour et le rêve. Ces problématiques sont abordées dès les scènes d'exposition des protagonistes.

Dans la première chanson entre Mia et ses colocataires, ces dernières tentent de la convaincre de venir avec elles à une fête réunissant le gratin d'Hollywood, où elle pourra y trouver :
Someone in the crowd could be the one you need to know / the one to finally lift you off the ground
Littéralement, « Quelqu'un dans la foule pourrait être celui que tu as besoin de connaître / Celui qui t'élèvera finalement ».
Il y a ambiguïté dans les paroles : « l'élévation » permise par ce « quelqu'un » peut concerner l'amour comme la carrière, voire les deux.

La scène d'exposition de Sebastian établit un parallélisme entre amour et carrière dans la façon d'en parler :
Lorsque Laura, la sœur de Sebastian, s'entretient avec lui dans l'appartement de ce dernier.
Laura – Quand vas-tu ouvrir tes cartons ?
Sebastian – Quand je les ouvrirai dans mon propre club.
Laura – Oh Sebastian, c'est comme si tu une fille avait rompu avec toi et que tu continuais de lui courir après.

Puis
Laura – J'ai quelqu'un que je veux te faire rencontrer.
Sebastian – Je ne veux rencontrer personne. Je ne veux rencontrer personne.

Et quand sa sœur lui reproche son manque de pragmatisme :
Sebastian – Être sérieux ? Laura... J'avais un plan très sérieux pour mon avenir. Ce n'est pas ma faute, j'ai été « shangaié » [le club de musique est devenu un restaurant asiatique]
Laura – Tu n'as pas été « shangaié », tu t'es fait arnaquer. [...] ça n'a rien de romantique [...]
Sebastian – Pourquoi dis-tu « romantique » comme si c'était un mot sale ?
Laura – Les factures impayées ne sont pas romantiques.

On le voit, le sujet porte sur l'ambition de Sebastian d'ouvrir un club, mais le vocabulaire est tiré du champ lexical de l'amour (sa sœur le compare explicitement à un amant éconduit).

Le blocage professionnel se double donc d'un blocage affectif ; Sebastian, vivant manifestement en ermite au milieu des cartons, refuse de rencontrer quiconque.


Ainsi, la mise en scène de La La Land lie étroitement les problématiques d'amour et de carrière de ses personnages, ce qui n'est pas illogique dans une comédie romantique mettant en scène deux artistes en quête de succès.

Ce postulat de départ va nous aider à comprendre les raisons de l'échec de la relation entre Sebastian et Mia au travers d'événements marquants de leur couple (leur dispute puis leur dernière conversation) et le constat de la fin.


La dispute entre Sebastian et Mia
La conversation prend place aux deux tiers du film. Depuis plusieurs semaines, Sebastian est en tournée avec le groupe de Keith. Mia et lui se voient peu, aussi lui fait-il la surprise d'organiser un dîner à leur appartement.

Pendant le repas, Mia s'inquiète des absences prolongées de Sebastian et l'interroge sur la durée de sa tournée. Ce dernier lui répond en mois, sinon en années. Mia demande alors :
Mia – Est-ce que tu aimes la musique que tu joues ?
Sebastian – Je ne sais pas... Je ne sais pas si c'est important.
Mia – C'est important. Si tu comptes abandonner ton rêve, je pense qu'il est important que tu aimes ce que tu vas jouer sur les routes pendant des années.
Sebastian – Est-ce que tu aimes la musique que je joue?
Mia – Oui. Je me demande si toi aussi. Tu as toujours dit que Keith était le pire, et maintenant tu vas faire une tournée de plusieurs années avec lui, alors je ne me demande si tu es heureux.
Sebastian – Je pensais que c'est ce que tu voulais que je fasse.
Mia – Être dans un groupe ?
Sebastian – Être dans un groupe, avoir un boulot sérieux, tu sais.
Mia – Bien sûr que je voulais que tu aies un boulot sérieux, comme ça tu peux prendre soin de toi, de ta vie, et tu peux ouvrir ton club.
Sebastian – C'est ce que je suis en train de faire, alors pourquoi ne célèbre-t-on pas ?
Mia – Pourquoi n'ouvres-tu pas ton club ?
Sebastian – Tu dis toi même que personne ne veut aller un club appelé "Poulet sur une baguette".
Mia – Alors change le nom !
Sebastian – Personne n'aime le jazz ! Pas même toi ! Et je pensais que c'était ce que tu voulais que je fasse ! Qu'est-ce que je suis supposé faire ? Retourner jouer des chansons de Noël ?


[Sebastian se met sur la défensive et explore ensuite différentes strates de déni, d'abord professionnel (« Je suis dans mon rêve ! Je suis dans mon rêve ») puis amoureux (« Peut-être que tu m'aimais quand j'étais sur mon cul parce que ça te faisait mieux te sentir »). La musique s'arrête. Le poulet grille dans le four. Mia quitte l'appartement.]

Visiblement, Sebastian ne se sent pas heureux dans son travail et estime s'être retrouvé là par la faute de Mia. Dans le fond, Sebastian considère qu'il y a conflit entre l'accomplissement de son rêve et son amour pour la jeune femme. Elle l'aurait détourné de son projet artistique en l'incitant à trouver un « travail sérieux » (ce moment correspond à la scène où Sebastian entend Mia, au téléphone avec sa mère, évoquer sa situation).

Mais quel est le rêve de Sebastian ? Mia le dit elle-même : ouvrir un club de jazz.

Que faut-il pour ouvrir un club de jazz ? Une réputation ? De l'argent ? Un talent de musicien ? Pour être propriétaire d'un club de jazz, ou de quelque musique que ce soit, il faut avant tout de l'argent et probablement des contacts. Être musicien n'est, en soi, pas indispensable.

Or, le travail de Sebastian au sein du groupe de Keith lui apporte ces deux éléments : un salaire confortable lui permettant d'épargner de l'argent, plus une certaine reconnaissance en jouant dans un groupe de musique populaire.

Ironiquement, c'est alors qu'il est en train d'acquérir les atouts pour réaliser son rêve que Sebastian a le sentiment de s'en éloigner – et qu'il le reproche à Mia.

Au final, la scène caractérise Sebastian par son manque de clairvoyance sur sa situation à la fois amoureuse et professionnelle – c'est-à-dire sur les thématiques-clefs du film.


La dernière conversation
Mia vient de passer son audition. Sebastian est convaincu qu'elle va décrocher le rôle et partir à Paris. La discussion a lieu sur un banc, à Griffith Park.
Mia – Qu'est-ce qu'on va faire ?
Sebastian – Je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit. Une fois que tu l'auras
[le rôle], tu devras tout donner pour ça. Tout. C'est ton rêve.
Mia – Qu'est-ce que tu vas faire ?
Sebastian – Je vais suivre mon propre plan. Rester ici, lancer mon truc à moi. Tu iras à Paris. Y a du bon jazz, là-bas. Et tu aimes le jazz à présent, n'est-ce pas ?
Mia – Oui.
Sebastian – Et j'imagine qu'on aura juste à attendre et voir.
Mia – Je t'aimerai toujours.
Sebastian – Je t'aimerai toujours aussi.

Cette conversation, qui signale leur rupture, est la conséquence directe de la dispute vue plus haut.

Revenons au rêve de Sebastian : ouvrir un club de jazz. Un rêve étant censé apporter le bonheur, on peut estimer que « Club de jazz ouvert = Bonheur » est le raisonnement qui motive Sebastian.

De la même façon qu'on a souvent tendance de projeter nos valeurs chez les autres, Sebastian applique son raisonnement pour Mia : « J'aime Mia, donc je veux son bonheur, donc je veux qu'elle devienne actrice ». C'est pourquoi Sebastian a toujours eu une foi absolue dans le talent d'actrice de Mia et l'encourage sans réserve tout le long du film (à l'exception de son absence au spectacle, dans un moment où leur relation connaissait déjà le déclin).

Pour Sebastian, la foi dans la carrière de l'autre est donc une preuve déterminante de son amour. Dans leur dispute précédente, Sebastian met en doute l'amour de Mia en commençant par la foi de la jeune femme en son rêve à lui (« Personne n'aime le jazz ! Pas même toi ! ») et plus généralement sur sa situation professionnelle (« Peut-être que tu m'aimais quand j'étais sur mon cul parce que ça te faisait mieux te sentir »).

De là, on peut dire que dans le système de Sebastian, l'amour se définit uniquement par rapport à l'ambition professionnelle : le premier sert de support moral à la seconde.
Le problème est, qu'après leur dispute, Sebastian conclut que son amour pour Mia est en train de le détourner de son rêve. De support, l'amour est devenu un obstacle.

Ainsi, sur les bancs de Griffith Park, Sebastian coupe les ponts. Qu'importe l'éventualité de poursuivre la relation à distance avec Mia, qu'importe qu'il y ait du bon jazz en France : il faut rompre et rompre maintenant, afin de protéger le rêve de chacun, aka son bonheur respectif.

Sans dire que changer de pays ou poursuivre un amour transatlantique ne mérite pas un temps d'hésitation et de réflexion, il est significatif que Sebastian, qu'on dit amoureux, n'essaie même pas de trouver de solution avant d'achever sa relation avec Mia. A bien des égards, on peut penser que sa décision était déjà prise avant l'audition et ne dépendait pas vraiment de la réussite de la jeune femme.

En apprenant la nouvelle, Mia, pourtant très éprise de Sebastian, ne tente même pas de sauver les meubles : elle voit bien – la dispute précédente le lui a appris – qu'une relation épanouie ne fonctionnera pas avec lui.

« Tu devras tout donner pour ça. Tout. C'est ton rêve », se justifie Sebastian.

Mais est-ce vraiment le rêve de Mia ?


Définition du rêve
Ce que Sebastian ne parvient pas à comprendre est que, à la différence de lui, le rêve de Mia est de réussir en tant qu'actrice et dans sa vie sentimentale.
Pour la jeune femme, l'amour n'est pas un support ou un obstacle à son ambition professionnelle : c'est une partie intégrante de son rêve.

Le projet de vie de Mia comporte donc deux objectifs : devenir une actrice célèbre et avoir une vie amoureuse épanouie.
Pendant tout le film, la jeune femme fait des auditions afin trouver le « rôle idéal » qui lancera sa carrière, tout comme elle connaît plusieurs relations afin de trouver « l'homme idéal » avec qui mener une vie de couple réussie. Au début du film, Mia a une relation avec Greg, avant de se mettre avec Sebastian, puis cinq ans plus tard avec son mari et le père de son enfant.

Le rêve de Sebastian, par contre, se compose uniquement de l'ambition d'ouvrir un club de jazz. L'amour n'a jamais fait partie de ses plans. C'est comme si, au cours du film, Mia lui tombe dessus, Sebastian l'aime comme il peut, estime à un moment que ça contrarie sa carrière (ce qui est faux), décide d'en rester là.

En fait, Sebastian n'a jamais rien compris – ni même réfléchi – au concept de l'amour. Il aime sans poser de questions et, quand des problèmes commencent à apparaître, il rompt sans se poser de questions non plus. Durant leur relation, non seulement est-il incapable de comprendre les besoins de Mia, mais encore les siens propres. N'ayant visiblement jamais songé de son existence à ce que signifie une vie de couple, Sebastian perd tous ses repères quand il se retrouve dans cette situation.

Disons-le autrement : Sebastian est affectivement immature, pour ne pas dire handicapé.

D'ailleurs, cette immaturité déborde un peu dans ses motivations professionnelles. Ce que Sebastian désire vraiment, c'est sauver le jazz, qu'il estime en péril. Mais ouvrir un club de musique, est-ce vraiment le meilleur moyen de sauvegarder un style musical en déclin ? C'est aussi censé que de prétendre sauver les ours polaires en ouvrant un zoo, et tant pis pour la banquise.

Les véritables artistes réinventent leur art, le font évoluer. Dans une scène, Keith reproche explicitement à Sebastian de rester coincé dans le passé ; une remarque qui sert plus à nuancer le propos du film auprès du spectateur qu'à faire avancer Sebastian dans son histoire.


Cinq ans plus tard
Après l'ellipse, Mia est à la fois une actrice célèbre et une mère de famille heureuse. Ambivalence entre amour et carrière, succès sur les deux plans. C'est la conclusion heureuse d'une belle histoire.

De son côté, Sebastian vit seul dans un appartement. Manifestement, il n'a personne dans sa vie – ou cela n'a pas d'importance –, sinon le film le montrerait. Il a ouvert son club et ce dernier marche plutôt bien (« "Pas trop mal" est parfait », répond Sebastian à un collaborateur commentant son business).

Cependant, le bilan est-il complètement satisfaisant pour Sebastian ? Son club ouvert, l'on aurait pu espérer qu'il s'ouvre un peu plus au monde. Il a l'air apaisé, mais toujours fermé. Quant à sa réaction mélancolique lorsqu'il recroise Mia, on jurerait que son horizon sentimental ne comprend que cette dernière.

Après cinq ans, un tel vide sentimental laisse une impression morose et un peu irréaliste. Bien sûr, il n'y a nulle honte au célibat et nulle obligation à se mettre en couple, mais l'amour fait partie du genre humain : personne ne serait joyeux de planifier de rester seul pendant la prochaine demi-décennie.

C'est d'autant plus troublant que le film traite de l'amour et des rêves. Quand on rêve de son futur, c'est un peu comme un projet de vie : on s'imagine réussir professionnellement, faire le tour du monde, se réconcilier avec sa famille, devenir champion de Scrabble, vivre heureux avec quelqu'un, etc. Manifestement, Sebastian n'avait que son club en tête.
Avec son club enfin ouvert, son côté musicien, ses costumes et la gueule de Ryan Cosling, on était en droit d'espérer une évolution pour Sebastian.

D'un bout à l'autre du film, le personnage n'évolue donc pas. C'est toujours le même « passif indifférent » qui n'a aucune conscience de ses besoins sentimentaux, et ce malgré sa rencontre avec Mia, malgré son ambition exaucée.
De là, le film renvoie l'idée qu'un homme qui a des projets et qui tient à les accomplir doit se dispenser de l'amour sous toutes ses formes ; et on joue du piano par-dessus ce message. Triste.

On pourrait objecter que Sebastian est un "artiste dans l'âme" et que son cœur est tout à son art, sans place pour l'amour. L'argument ne tient pas pour deux raisons :
- D'abord, Sebastian est bel et bien tombé amoureux de Mia. C'est donc qu'il est sensible à l'amour, qu'il en ait conscience ou non.
- Ensuite, Mia a tout autant la fibre artistique que lui et parvient sans problème, elle, à combiner succès professionnel et épanouissement amoureux.

On pourrait alors être tenté d'invoquer le mauvais cliché du cinéma romantique : Sebastian aime toujours Mia et il n'y a qu'elle dans son cœur. Cette version est pire que tout : ruminer sur son ex pendant cinq ans ne s'apparente pas à du romantisme, mais à une condition médicale.


La La Land n'est pas l'histoire de personnages en proie à l'opposition entre rêve et amour. C'est le récit d'une jeune femme qui aspire aux succès professionnel et sentimental - et obtient les deux - et celui d'un homme qui ne visualise pas sa vie au-delà de sa carrière, même quand il parvient à ses objectifs.

Le handicap affectif de Sebastian est un choix scénaristique, une anomalie voulue par les créateurs du film. Cela ne le grandit en rien. Il ne réussit pas mieux que les autres. Il ne possède pas quelque chose en plus, mais en moins.

La normalité humaine est beaucoup plus proche de Mia, rêvant d'une carrière réussie et d'une vie sentimentale épanouie. D'ailleurs, même en étant "normal(e)", on peut devenir internationalement reconnu(e) par son talent artistique.

Deux rêves accomplis ; une femme aimante et aimée, un type isolé.
Une actrice célèbre et maman heureuse, un patron de club seul avec ses costumes.


Conclusion 1/2  – Le traitement de La La Land
La conclusion du titre est la suivante : si Sebastian finit seul, c'est qu'il n'a jamais été à la hauteur de Mia – en fait, il n'a jamais été à la hauteur d'une quelconque vie de couple.

Cependant, à côté de cette réponse formelle, La La Land présente deux particularités intéressantes : son traitement du romantique et du dramatique, et la réaction du public par rapport au personnage de Sebastian.

Dans tous les films, il y a un décalage entre le récit objectif et sa mise en scène, c'est-à-dire entre l'histoire à proprement parler et la façon de la raconter. Dans La La Land, les efforts déployés pour romantiser ou dramatiser certains événements du film prêtent à sourire.

Par exemple, dans la scène au restaurant avec Greg et son frère, Mia entend les notes de piano qui lui rappellent son rendez-vous avec Sebastian ; prise d'une bouffée de passion, elle s'empresse d'aller rejoindre ce dernier. Les violons résonnent, la musique s'envole, on est impatient de voir se retrouver les deux amoureux, etc.
Mais dans la réalité de la scène, Mia est au restaurant avec son petit ami, se lève, se fend d'un simple « Désolée » et le quitte en courant littéralement hors du restaurant. Malgré l'air enjoué des trompettes et du piano, ce moment prétendument romantique constitue avant tout un manque flagrant de respect de la part d'une personne impliquée dans une relation envers l'autre. Pauvre Greg.

Plus tard, la dispute puis la séparation de Mia et de Sebastian n'ont rien de tragique ; comme on l'a vu, loin d'être le résultat d'un choix cornélien entre Rêve et Amour (le film en fait des tonnes sur cette dichotomie), elles ne représentent que les errements d'un homme qui s'est égaré dans son propre couple.

Dans la dernière scène, après son morceau de piano, Sebastian adresse un hochement de tête rassurant à Mia (qui s'apprêtait à partir sans rien dire). Ce passage a un goût de plastique brûlé : après avoir joué la musique de leur amour, que ressent Sebastian ? La satisfaction de voir l'amour de sa vie en compagnie d'un autre homme ? En désespoir de cause, Sebastian sourit ; mieux faut se montrer bon perdant que perdant tout court.

Malgré le fait qu'ils adoptent un comportement similaire, la situation des personnages n'est pas la même à la fin du film : Mia va rentrer avec son mari, embrasser sa fille endormie et faire un bon dodo, peut-être après avoir échangé des câlins avec monsieur. Sebastian regagnera son appartement seul et aura tout le loisir de penser à l'unique femme qui ait, semble-t-il, compté dans sa vie – et qu'il a laissé passer. Il est difficile d'y voir un happy ending pour tout le monde.

Côté carrière, il y a asymétrie à l'écran, cette fois-ci aux dépens de Mia.
En temps brut, on voit beaucoup plus souvent Sebastian jouer du piano que Mia faire l'actrice. Après l'ellipse, la réussite de la carrière de Mia ne se matérialise qu'au travers d'une affiche et le fait qu'on la reconnaisse au Starbuck, là où le club de Sebastian et son jeu de pianiste sont largement mis en avant.

Ainsi, le film focalise en priorité l'ambition professionnelle sur le personnage masculin, tandis que l'aspect sentimental est présenté comme l'achèvement du personnage féminin. Serait-ce parce que le destin d'un patron de club de musique est ô combien plus extraordinaire que celui d'une star internationale de cinéma ?

La La Land est un peu biaisé en cela que, dans ses thématiques majeures, Mia accomplit un rêve beaucoup plus ambitieux, cohérent et intéressant que Sebastian ; malgré tout, les deux protagonistes sont présentés au même niveau.

Au regard des critères mêmes du film, à savoir l'amour et la carrière, c'est Mia qui va le plus loin sur les deux plans ; c'est elle la seule et véritable héroïne de l'histoire.


Conclusion 2/2 – Sebastian et nous
Le fait le plus significatif sur le personnage de Sebastian reste sur ce qu'il nous apprend de nous, son public.

Encensé par la majorité, La La Land a aussi suscité des critiques ; beaucoup ont renâclé contre la fin, car Mia et Sebastian ne terminent pas ensemble ; certains ont jugé le film sexiste envers les femmes ; d'autres ont déploré le whitewashing ; quelques-uns ont même discuté des échecs et succès de Mia, etc.

Pourtant, au milieu de tous ces échanges, personne ne semble avoir remarqué que Sebastian a le niveau affectif d'un adolescent prépubère.

Il est parfaitement logique que les deux protagonistes ne terminent pas ensemble. Sebastian est inadapté à une vie de couple parce qu'il a des failles béantes dans sa conception de l'amour et du couple. Ces failles ne résultent pas d'une âme artistique de génie, ce sont des manques qui sonnent d'autant plus faux que le personnage n'a plus quinze ans et est censé avoir acquis un peu de maturité affective au cours de sa vie.

La pleine acceptation d'un personnage comme Sebastian – si bien accepté qu'on ne remarque pas ses énormes défauts – atteste qu'il s'agit d'un stéréotype de cinéma répandu ; et la présence, pleinement acceptée, d'un tel stéréotype est significative du regard que porte notre société sur l'amour entre les hommes et les femmes ; mais ce sera l'objet d'un futur billet.
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